lundi 11 avril 2005

SAHARA (3) : LE DÉSERT VERT

Hôtel Tenere, 10 km de Djanet.
Nous occupons, Y*** et moi, la chambre 111. Terrasse. Vue sur le désert. Une chambre parfaite à la fois selon les critères de Rodrigo (numérologiques et symboliques) et d'Héloïse (architecturaux et mystiques).
L'hôtel a une architecture de Palais des Mille et Une Nuits. Tout en longueur puisque bâti de plain-pied, avec arcades, passages ombragés, découpes en ogives.
Le trajet en 4x4 de l'aéroport à l'hôtel a révélé de spectaculaires paysages, à la magie rehaussée par une lumière proche du... sfumato italien, a remarqué Ch*** à raison. Fin d'après-midi et horizon brumeux, voilé de sable.
Les rocs émergent donc de cette poussière qui embue l'horizon.
Deuxième surprise : le vert, plus présent qu'on aurait pu l'imaginer. La palmeraie de Djanet bien sûr, mais aussi les arbres — tamaris, pins, eucalyptus. La plupart sont soigneusement entourés d'un enclos, espèce protégée, mais quelques-uns émergent, solitaires, du sable.
Et puis — il a plu sur le désert, il y a 20 jours. Et nous voyons toujours un frêle duvet d'herbe rase, moirant de vert les étendues de sable.
Pays minéral, disais-je.
Oui : les rocs émergeant partout sont divers et spectaculaires. Grès ruiniforme, précise le Géologue C***.
Les formes vont des îlots de roche presque submergés de sable aux tumulus étonnamment arrondis par l'érosion, dômes de pierre posés sur le désert, creusés encore en alvéoles rondes par le vent. Collines de rocs déchiquetés. Lignes des plateaux à l'horizon, dont celui que nous gravirons dans quelques jours.

Oui : le minéral fige le temps. C'est le règne du fossile. La même impression qui m'assaillait en contemplant les dunes de sable depuis l'avion à moyenne altitude : des crêtes de vagues, mais interrompues dans leur course. Une mer à jamais figée.

Le temps court pourtant, même ici. Fils électriques dans le désert, le long de l'unique route goudronnée qui traverse le pays, direction Alger, 2 100 km.
Ville de Djanet : maisons basses et colorées. Dans la veille ville, qui date de 8 siècles environ, une architecture de type casbah, fortifiée, en étages, aux minuscules ouvertures. Tout semble conçu pour lutter contre ces deux ennemis que sont le sable et le soleil.
Pas d'étoiles au-dessus de notre terrasse. Ciel trop couvert — ou lumières malgré tout trop présentes. Mais la lune est toute retournée : son croissant ne dessine plus, verticalement, un C ou un D — lune menteuse de la Vieille Europe — mais un berceau, horizontal.
Un sourire : elle renaît.

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