samedi 16 avril 2005

SAHARA (16) : FRAGMENTS OUBLIÉS

C***, volontairement prosaïque : "Ce qu'il y a de bien dans le désert, c'est qu'on pisse pas."
En effet : nos muqueuses sont horriblement sèches, nos nez bouchés ou mouchant du sang.

Je ne t'ai pas raconté que la plupart de ces plantes du sahara ont des propriétés médicinales... d'ordres divers. Il en existe une, dont nous ignorons le nom français, latin, ou tamahaq (M*** ne connaît que son nom usuel en arabe) qui a de puissants effets hallucinatoires. Il est arrivé un jour que les habitants de Djanet consomment des grillons qui s'étaient nourris de cette plante : pendant 24h, un vent de folie a traversé la petite ville — un père a essayé de vendre son fils, un homme s'est rendu à l'hôpital en prétendant être médecin...

Oublié aussi : il y a beaucoup de corbeaux sur le Plateau. Souvent leurs grandes ailes noires traversent le ciel en planant. Leur bec aussi est noir : oiseaux d'ombre.
Le ciel était trop voilé, la nuit dernière, pour que nous voyions bien les étoiles. Le clair de lune aussi étouffait leur lumière. C'est un de mes rares regrets.
Dear Dream ne s'est pas vraiment montré. J'ai pensé à lui.

Dans la balade de cet après-midi, nous avons découvert une étonnante créature (en peinture seulement, heureusement). A première vue, on pourrait croire qu'il s'agit d'un sanglier doté d'une queue de castor... Que nenni ! Il s'agit du ô combien redoutable Sanglastor !
Comme son nom l'indique (car ce n'est point là un bête mot-valise, n'en déplaise aux esprits simplistes) il s'agit d'une créature à glacer le sang, à vos tordre les entrailles de peur. On soupçonne que son origine est démoniaque, comme le confirme la racine commune avec le mot alastor.

J'ai eu avec M*** une discussion d'ordre linguistique, au sujet de la répartition des langues française, arabe et tamahaq. A Alger, pendant longtemps, la majeure partie de l'enseignement se faisait en français : lui a connu cela, mais pas A***, nettement plus jeune (même si son français est aussi parfait que celui de M***). Au Sud, l'arabe est enseigné à l'école, mais les gens parlent tous tamahaq entre eux, même ceux qui n'ont qu'1/4 de sang Targui, même les Noirs qui descendent des anciens esclaves soudanais des Touaregs.
On peut noter que cet esclavage n'a pas été aboli par la bien-pensante République Française, mais par le FLN à son arrivée au pouvoir.

Au cours de la balade de cet après-midi, nous avions une vue vue extraordinaire sur un oued vert menant vers l'horizon libyen. Car le Plateau — comment ne pas l'aimer? — est une frontière. Certains le traversent, guidés ou non par les passeurs, dans des conditions parfois épouvantables : M*** en a rencontré un groupe, errant sans eau depuis 2 ou 3 jours, incapable de trouver ni les gueltas ni le passage de descente. Aux périodes où le régime de Khadafi est accueillant, ces émigrés sont très nombreux.
Le soir est tombé, à nouveau, une épaisse couverture nuageuse rafraîchissant l'air, et nous privant des étoiles. Je ne peux plus écrire.

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