samedi 16 avril 2005

SAHARA (15) : L'HEURE DE LA SIESTE

Les blagues récurrentes de ces derniers jours : M*** l'Algérois nous a raconté que dans un village de la côte algérienne, les habitants avaient tous les yeux clairs du fait du... naufrage d'un navire transportant des nonnes hollandaises au XVIIe siècle. Ces pauvres nonnes nous ont fourni l'occasion d'une série de délires plus ou moins douteux. D'autant qu'A***, l'amie de M*** qui nous accompagne, elle aussi algéroise, a de magnifiques yeux clairs frangés de longs cils noirs.

Pour l'instant, ni vipères ni scorpions, ce qui n'atténue pas la paranoïa de Y***, mais nous avons repéré dans le sable l'empreinte sinueuse d'un serpent, les anneaux de son ventre bien visibles en relief : le désert est un lieu de traces, à nouveau.
Tout à l'heure aussi, lors d'un de mes dialogues intérieurs, pendant la marche, j'ai soudain pensé à Lazare. Je ne sais pourquoi. Je sais peu de choses sur lui, et cependant le paysage me l'évoquait. De la désolation comme apprentissage — très Cappadocien, j'imagine.

L'heure (les heures pour être précise) de la sieste. J'en suis venue à les apprécier. En un tel climat, elles sont indispensables, et nous adoptons très vite un rythme différent, anti-Occidental. Nous marchons le matin et en fin d'après-midi. Entre les deux, nous restons à l'ombre, déjeunons, prenons le thé (le café pour certains) et dormons ou nous reposons. Dehors. Souvent avec un chèche sur le visage pour nous protéger des mouches. Je t'écris de sous le chèche, en ce moment, déployé comme une moustiquaire. J'arrive rarement à dormir — mais rarement est déjà un exploit pour moi. Je découvre le plaisir de se tenir ainsi, paisiblement, allongé sur le dos, dehors, contemplant le ciel et le surplomb rocheux à travers le double voile du tissu blanc et des lunettes noires.
J'ai pensé à une chanson de Lavilliers que j'ai toujours beaucoup aimée (forcément): elle a pour titre "La Frontière" (déjà) et commence à peu près ainsi : "Allongé sur le sable on dirait qu'il dort / Il est beau et très calme dans le froid qui mord..." Pour le froid, on repassera, ici même les nuits sont chaudes, y compris sur le Plateau. Peu importe : c'est un nomade allongé sur le dos, dans le sable, les yeux grands ouverts, regardant les étoiles.
S'il est mort ? Oui, bien sûr qu'il l'est, dans la chanson comme dans "Le Dormeur du Val" de Rimbaud — mais la position demeure une posture de nomade.
J'ai aussi commencé à réfléchir à une nouvelle pour un appel à texte qui m'attire : le thème en est les Dragons.
(Le vent souffle, soulevant le sable.)
J'aimerais exploiter tout ce beau matériau sur Héloïse et Vykos, que les copyrights White Wolf rendent impubliable en l'état. C'est peut-être un biais possible. Nous aurons l'occasion d'en reparler, j'imagine.

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