Je n'ai plus eu le temps d'écrire. Quand nous sommes rentrés de notre marche de l'après-midi, il a fallu monter les tentes avant que la nuit ne soit complètement tombée. Ecrire dans la nuit est difficile, même avec ma lampe Petzl, car la lumière attire toutes sortes d'insectes. Je me suis donc étendue avec les autres près du feu de camp, au clair de lune, regardant monter les étoiles, et, la nuit nous libérant des insupportables mouches, c'étaient vraiment des heures merveilleuses.
Nos guide/âniers/cuisinier Touaregs se sont mis à chanter en battant du tambour, des chansons rythmées à plusieurs voix.
Même jour, heure du déjeuner
Retour d'une longue marche de 3h sur le Plateau. Une marche assez rude, sur un sol de pierres coupantes aux angles aigus, et sous un soleil brûlant, dès 8h du matin. Terrain irrégulier, avec une succession de descentes périlleuses, aux limites de l'éboulis (j'aime bien) et de montées du même genre (j'aime moins). Je me suis maintenue en tête de groupe, et j'ai éprouvé les mêmes sensations que les jours précédents.
La marche fait entrer dans un autre univers, un univers intérieur, clos sur un très petit espace. En marchant, j'ai du mal à bavarder. Je suis en dialogue intérieur, et dans les passages vraiment pénibles, je ne suis plus en dialogue du tout. Je ne pense plus. Je suis les chaussures du guide devant moi, c'est tout.
Et je ne t'ai pas parlé, du coup, du Plateau et de ses merveilles. Imagine un paysage digne de l'Emyn Muil : un dédale de roches sombres dont chaque crête dévoile un nouveau décor aussi désolé que le précédent. Oui, j'ai vraiment pensé à Frodo et Sam dans l'Emyn Muil : sans guide, on n'y est rien.
Il y a pourtant aussi des roches plus rouges, avec toujours ces formidables découpes de l'érosion, creusant à la base des rochers des abris surplombés par de menaçantes corniches, arrondissant les parois. On y fait halte, on y mange, on essaie d'y dormir. C'est dans de tels abris qu'est installé notre campement.
Et puis il y a les peintures rupestres : nombreuses, variées, tant dans les couleurs (rouge, blanc, noir, parfois une sorte de vert sombre) que dans les motifs (humains ou animaux : vaches, taureaux, gazelles, dromadaires et chameaux, mouflons, éléphants et même poules). Les styles aussi varient, suggérant diverses périodes. Je ne puis t'en dire plus sans le livre qui les analyse, mais certains dessins étaient polychromes, certains stylisés à l'extrême, certaient associaient peinture et gravure, et la représentation des humains allait du simple bonhomme d'enfant à des dessins d'une étonnante finesse, riches de détails (orteils, yeux...)
Certains t'auraient plu, j'imagine. Je pense par exemple à cette femme dansant, une coiffe cornue sur la tête.
Les peintures sont partout, par centaines, mais souvent usées, abîmées par l'érosion, par les touristes mal-intentionnés ou stupides. Il faudrait, explique C***, les vitrifier ou les protéger d'une résine.
Les ânes paissent au loin — il y a un peu de végétation à certains endroits du Plateau — nous ne les avons plus vus depuis qu'ils ont été débâtés. M***, notre guide algérois (à ne pas confondre avec M*** notre guide Targui pour les 3 jours sur le Plateau) nous explique que les nôtres n'étaient pas trop chargés, mais que c'est plus difficile pour les randonneurs qui restent 7 jours sur le Plateau. Une fois, un âne est mort de fatigue dans la montée.
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