samedi 15 avril 2006

SYRIE (1) : UN DÉBUT DÉMUNI

Dans l'avion.
Le voyage commence étrangement.
Parce que j'ai passé la semaine à soigner ma dent et pas à préparer le voyage, et que cette préparation — je ne dis pas préparatifs — me manque.
Je ne dis pas préparatifs parce que je parle surtout de la préparation intérieure, celle qui redispose notre esprit, nos pensées, nos attentes, et leur donne la forme nouvelle du voyage.
Voilà que je pars sans savoir pourquoi.
Sans avoir lu, mais surtout, j'insiste, sans avoir pensé, ni même rêvé. Un voyage doit se penser et se rêver. Un voyage est avant tout un déplacement de la pensée, une percée dans le rêve.
L'avion survole la mer. Où, quelle est cette côte que je vois, je l'ignore.
J'ai du mal à distraire mon esprit de ses préoccupations: ma dent, mon travail, ma dent, mes collègues et élèves, ma dent...

Me souvenir que je pars, entre autres, pour chercher à quoi peuvent ressembler les premières cités de ce monde, pour amasser des images et des mots en vue de ce roman jamais écrit sur la Ville-Etoile et ses neuf vies.
Me souvenir que je voyage dans le temps, vers les origines, aussi au sens mythique et théologique. Je pars vers les terres aux mille strates qui fascineraient Héloïse, vers un pays où l'on trouve le tombeau d'Abel et des dictionnaires d'araméen, un pays envahi par Sargon d'Akkad, une capitale que l'on appelle aussi Assam.
C'est tout. Je n'ai pas d'autres munitions.
Et je ne suis pas sûre que l'instantanéité suffise, je ne suis pas sûre que les villes et les ruines et les paysages puissent féconder un esprit non préparé.

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