jeudi 21 février 2008

BAVIÈRE (1) – EXAMEN PRÉLIMINAIRE : LUDWIG

München, Pension Isabella

La Bavière a pour moi, inexorablement, les couleurs de Ludwig. Je suis tombée amoureuse de lui adolescente, comme tous les adolescents, mais il m’a suivie, et accompagnée en pointillés bien au-delà de mon adolescence.
Dans un de mes livres d’enfant sa silhouette déjà m’émouvait . Un garçonnet blond et fragile, aux yeux rêveurs, poète précoce, qui fascinait sa pétulante cousine Sissi. « Ludwig est poète, assenait la fillette, et les poètes ont toujours raison. »
Je l’ai retrouvé adolescente. Je suis tombée amoureuse de lui en même temps que de Visconti, on me laissait seule la nuit dans l’appartement pour la première fois, j’avais quatorze ans, et je découvrais le Cinéma de Minuit avec la jouissance du fruit interdit. Ludwig était devenu brun, mais toujours pâle et frêle, presque fiévreux, avec la beauté dangereuse et abîmée, littéralement précipitée dans l’abîme, d’Helmut Berger. Et dans les neiges de Bavière il retrouvait sa cousine Elisabeth, mais ils étaient adultes et crépusculaires, loin de leurs paradis enfantins, evec la grâce déchirante de leur double folie, de leur double errance, de leur double gâchis.
Je l’ai pisté dans mes exposés allemands de lycéenne.
Je l’ai lu dans un roman-voyage-biographie de Philippe Le Guillou.
Je l’ai écouté derrière chacune des notes de Wagner, dans les rêves condamnés de Lohengrin et dans la pureté presque désespérée d’un Parsifal perdu dans un monde dont les règles lui échappent.
Je l’ai retrouvé par surprise, amendé, différent, soustrait à la démence, dans le monde de Château Falkenstein, où une deuxième chance lui est offerte.
En Bavière il était forcément mon guide.
Mais je viens de passer une après-midi à Munich, il n’y était pas, et la ville était pourtant un écrin merveilleux pour son absence.
Les deux Ludwig de Bavière que nous avons croisés étaient très différents de lui : le sombre mausolée d’un empereur gardé par des chevaliers en armure noire — la statue équestre du roi qui a choisi Lola Montès. Deux souverains bien plus forts, bien plus actifs que lui.

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