Munich, Pension Isabella
Il faudrait parler aussi des musées, de cette très riche Alte Pinakothek que nous avons visitée et des musées en général.
Je ressors toujours frustrée des musées de peinture. On y voit trop de tableaux, on y rencontre trop de gens, on voudrait se souvenir de tous, on se jure qu’on va y arriver cette fois, on se rappellera la fragilité anorexique de cette adolescente en robe d’apparat, on se souviendra du regard dominateur de ce notable blond en habit noir, on n’oubliera pas les mains si vivantes, si présentes, de ce couple d’époux, on se souviendra… Mais déjà les noms s’effacent, on n’est plus sûr des visages auxquels ils correspondent. Pourtant ils étaient tellement là, les tableaux comme des mains tendues vers leurs âmes, on croyait les reconnaître, on voulait les connaître mieux — mais ils étaient trop nombreux, trop nombreux, vraiment, ils se dissolvent et se mélangent, Dürer et puis Ruben, Poussin et puis Filippo Lippi, Velazquez et le Greco, la formidable vérité photographique de Canaletto et les bouleversants pointillés de couleur de Guardi, et Judith et Marie-Madeleine, et tous les apôtres, et Lucrèce approchant le poignard de son sein, et ces satyres suintant d’animale perversité.
On se souviendra de ceci, pourtant. Brueghel peint toujours la même ville portuaire, une ville imaginaire entre la montagne et la mer, avec une forteresse étagée sur la colline, de hautes maisons de ville, des ponts à arcades de pierre qui s’avancent dans la mer vers des avant-postes fortifiés, et cette lumière bleue et verte qui ne ressemble à aucune lumière de ce monde. Il peint toujours le même port et c’est celui d’Ambre. Il n’était sur aucune carte postale, mais je n’oublierai pas
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