lundi 25 février 2008

BAVIÈRE (7) – OMBRES & LUMIÈRES

Dans l’extraordinaire Café Tröglen, avec vue sur la cathédrale d’Ulm après la montée (puis descente) des 768 marches de sa flèche et en compensant cet effort par la dégustation de succulentes pâtisseries.

Difficile dans ces conditions de retrouver l’impression laissée par les Alpes bavaroises, les souvenirs qu’elles ont éveillés en moi. Pas des souvenirs d’événements, plutôt des souvenirs d’œuvres ou de sentiments.
Ces paysages, ceux de Berchtesgaden et des environs, m’ont rappelée d’anciennes découvertes, d’anciennes impressions. Les ténèbres qui affleurent dans les contes de Grimm, et que la lecture de Fables a réveillées. Comprendre qu’un être tel que Frau Totenkinder aurait pu vivre ici, et qu’en effet elle est bien plus dangereuse que Baba Yaga. Comprendre aussi ce que sont devenus Hansel et Gretel.
Le fonds légendaire a bien la couleur des terres qui l’ont engendré. Le Roi des Aulnes, ses différentes versions, la fascination mortifère qui emplit le roman de Michel Tournier et qui m’avait tétanisée, adolescente : la majesté et le péril jumeaux.
Aussi ce qui affleure dans les dessins de Hugo, dans certains des poèmes de La Légende des Siècles, dans certaines scènes des Burgraves. Hier soir nous avons parlé de Hugo pendant tout le dîner, et en effet ses dessins disent juste, la lumière et l’ombre, l’ombre surtout, la roche qui se métamorphose en burg au sommet. En roulant hier vers l’ouest au crépuscule, en regardant cette autre lumière, les lignes noires des pins, je pensais aux peintres allemands, à leurs paysages et à leurs lumières, à certaines toiles de Caspar David Friedrich. Je ne prétends pas défendre un « déterminisme du paysage ». Il s’agit seulement des œuvres qui ont modelé mon propre regard sur l’Allemagne, donc mon attente. L’original me frappe au visage.

Le salon de thé s’est effacé. Pourtant les gâteaux ne sont pas moins délicieux, mais leur goût s’est dissous derrière le pouvoir de suggestion des montagnes, de l’ombre, des visions.
Et je ne trouve plus de mots pour les choses plus riantes, pour dire nos fous rires. Pour raconter par exemple qu’à Berchtesgaden, juré craché, nous avons vu une Jeep d’Intervention d’Urgence de l’Ordre Franciscain, gyrophare compris, et que nous avons imaginé les moines en robe, godillots et casque de combat, armés d’eau bénite, descendre la rampe du monastère pour répondre à un appel d’urgence.

Et puis, bien sûr, il y eut les châteaux de Ludwig.

Aucun commentaire: