Ce quartier des pêcheurs annonçait quelque chose de plus magique encore, une plongée plus profonde dans le Conte.
Nous avons repris le bateau-voiture, désormais couvert de boue, et avons filé vers le Nord. Et nous voici dans la Ville du Conte, à Rothenburg, et je pourrai en dire tout ce que je veux, vous ne me croirez pas. A moins que vous n’ayez déjà foulé les rues de Wall ou de Lud-in-the-Midst pendant le Marché Féerique. A moins que vous ayez suivi le Joueur de Flûte un soir dans les rues de Hamelin. A moins que vous ayez trouvé un jour l’un de ces livres-portes par lesquels on entre tout entier dans le Conte et n’en soyez jamais ressorti. Si vous n’êtes pas de ceux-là, vous ne me croirez pas.
Il vous faudra venir à Rothenburg.
Il vous faudra y venir comme nous hors saison, un soir de semaine, et vous promener seuls dans ses rues, à la nuit tombée.
Il vous faudra dormir comme nous à l’hôtel Spitzweg, un hôtel merveilleux, depuis la chambre jusqu’au hall d’entrée, du pantagruélique petit-déjeuner à l’hôte adorable et tout à fait en accord avec Rothenburg : un vieil homme souriant à barbe blanche, visage rond et petites lunettes, quelque chose du Père Noël, du grand-père gâteau doté d’étranges pouvoirs qui lui semblent aussi naturels que la cuisson d’un œuf pour le petit-déjeuner de ses hôtes.
Il vous faudra arpenter les rues de Rothenburg. Elles sont pavées. Eclairées seulement par les lanternes qui se reflètent sur la pierre des maisons, et par les vitrines illuminées des boutiques fermées.
Approchez-vous de ces vitrines : ce sont des fées, des crèches musicales, des confiseries, des chevaliers de bois… Vous êtes bien des enfants, marchant tout étonnés dans ce Bourg-à-Remonter-le-Temps où toutes les boutiques sont faites pour vous.
Il vous faudra pousser la porte d’une des minuscules échoppes.
Alors peut-être me croirez-vous et marcherez-vous à votre tour dans le Conte, les yeux écarquillés de merveilles.