mercredi 25 avril 2007

CHÂTEAUX DE LA LOIRE (8) : ENTRE DEUX ÂGES

La Marmittière, près de Chenonceaux
Les deux premiers châteaux de notre journée rappelaient bien la frontière incertaine entre les grandes périodes que s’efforcent de délimiter les historiens, longtemps après. A quel moment le Moyen-Âge desserre-t-il son emprise, à quelle date la Renaissance atteint-elle la Loire ? De quel côté se trouve le château de Chaumont-sur-Loire, ou celui d’Amboise ?
On ne peut trancher. En approchant des murs, à Amboise, on est écrasé par la colossale puissance de cette forteresse, l’épaisseur et la hauteur de l’enceinte, la masse des tours. On n’est pas surpris du tout que la Cour, menacée, se fût retirée de Blois à Amboise, pas surpris que les conjurés s’y fussent cassés le nez et eussent été pendus, un à un, au balcon du château.
Mais une fois passée l’enceinte, une fois traversés les murs, se dresse au cœur du parvis un charmant petit édifice Renaissance.
Bien sûr, on peut toujours, du haut des fenêtres, contempler le vertige de la Loire, loin au-dessous. Amboise a beau se parer de tapisseries, de tentures cramoisies, de jardins méditerranéens, elle garde les traits austères de la forteresse. On a beau avoir rasé l’une de ses enceintes, pour intimider le trop comploteur Gaston d’Orléans, Amboise reste une prison. Mais de marque : Abd-el-Kader y a passé quatre ans, en résidence surveillée, avec sa famille et sa suite, et les tombes musulmanes côtoient les massifs du jardin. Elles ne sont pas déplacées. Amboise a été bâtie pour la guerre, même si, au temps béni de la paix, elle étage, lumineuse, les pentes d’ardoise de ses toits sous les hautes murailles de pierre.

Et Chaumont aussi hésite entre les deux âges, entre la forteresse et le palais enchanté. Nous n’avons pu y pénétrer, les travaux s’y termineront dans deux jours seulement, alors nous l’avons contournée, encerclée, nous avons marché dans ses douves et levé les yeux sur ses murs et imaginé l’histoire qui nous était refusée.
Chaumont n’est pas bâti en plaine, ni au cœur des bois. Il se dresse en hauteur au-dessus d’un curieux village à une dimension, étiré entre la falaise et la Loire. Chaumont garde la vieille perspective médiévale et surplombe ses vilains. La griffe d’un Dragon (sûrement celui de Blois) est empreinte dans ses murs, aussi nettement que les C entrelacés de la vieille Catherine. Un roman s’y déploie à chaque pas. Duel dans les douves asséchées, poterne discrète et balcon romantique pour rendez-vous d’amour interdit, escalier dérobé noyé de ronces et de feuillages. Mais ce roman, on n’est pas sûr de savoir le situer, quelque part entre la chevalerie et les intrigues de cour des Bourbon, quelque part entre Ivanhoé et Le Bossu.
Il n’en pas ainsi de Chenonceaux.

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