Le Clos du Petit Marray
Notre dernière chambre d’hôtes est une suite. Salon, canapé, table, télévision, placards, four à micro-ondes et réfrigérateur, salle de bains (avec baignoire, ai-je dit combien Nous aimions les bains ?), chambre à décor maritime qui plairait à ma mère, enfin toilettes. On pourrait très bien y passer une semaine.
La journée fut plus médiévale, à la suite de Chinon. Fontevraud d’abord, Fontevraud l’Abbaye, j’avais tenu à pousser jusque là pour sacrifier à mes mythes intimes. Deux de ces mythes, au moins, habitent Fontevraud. L’abbaye bien sûr, immense, harmonieuse, indépendante, seigneurie et cité, régnant sur les domaines alentours depuis un chapitre de prétendues contemplatives, un Chapitre de femmes à qui, Ordre insolite, on avait donné autorité sur l’ordre masculin. Les abbayes, leur pensée, leur poésie, leurs cloîtres, la pierre blanche (toujours le tuffeau) qui éclaire autant qu’elle enferme — et cette abbaye en particulier, ces femmes, ces abbesses filles de France, le Miracle de la Rose de Jean Genet.
La rose… un autre de mes jardins secrets. Il y avait une bouleversante rose rouge posée au côté du gisant d’Aliénor. J’ai souri, d’un vrai sourire, un de ceux qui montent au cœur, qui viennent de l’âme. Il n’y en avait pas auprès de Richard. Et j’ai regretté, brusquement et violemment, de n’en avoir pas apporté.
Non pas seulement parce que je sacrifie au mythe du roi-chevalier, du roi-troubadour, de l’honorable adversaire de Saladin, du roi de Robin et d’Ivanhoé — non, s’il me bouleverse si terriblement, si profondément, c’est par sa ressemblance avec vous, Corwin. Il est si ouvertement l’une de vos Ombres.
Et même sur le gisant la ressemblance sautait aux yeux, sautait au cœur, et je me recroquevillais de honte, de n’avoir pas de rose à offrir.
Sans doute faudra-t-il que je revienne, un jour. Il le faudra de toute façon. Fontevraud est un lieu de merveilles, surtout en été, quand le tuffeau se chamarre de rose à chaque crépuscule. Concerts de musique médiévale, enregistrement de disques profitant de son acoustique, prestigieux conférenciers, spectacles, ateliers d’écriture… Le guide lui-même était merveilleux, passionné, plein de vie, sans conteste numéro 1 du susdit palmarès. Même la boutique était merveilleuse, et j’y ai dépensé des fortunes.
Des rêves d’Héloïse, une Ombre poignante de Corwin, et à chaque pas des miracles et des roses : Fontevraud est un lieu où l’on revient.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire