Le logis de ce soir était celui qui m’inquiétait le plus, appel lancé au hasard, sans recommandation, sans guide. Et en traversant les disgracieuses banlieues d’Orléans, je craignais le pire.
Pourtant le miracle de nos voyages commence : une ancienne ferme, corps de logis médiéval aux pierres apparentes, joliment retapé, un grand parc, deux chiens joueurs, énergiques et affectueux, un petit escalier de pierre qui monte à notre chambre sous les combles, tendue de jaune et de bleu, lit à haut chevet, poutres apparentes, vieille armoire et bois de cerf au-dessus de la porte-fenêtre. Enfin arrivés au terme du long trajet en voiture, assis l’un contre l’autre sur le banc de pierre et de mousse, dans le parc, nous nous enchantions de ce hasard, de la lumière et de la paix des lieux.
Le miracle ne nous a pas abandonnés en si bon chemin. Trouver un restaurant ouvert en ce dimanche soir ne semblait pas gagné d’avance. Sur les conseils de notre hôtesse, nous nous sommes dirigés vers la petite ville de Beaugency plutôt que vers Orléans. Là encore, hasard heureux. Les hasards n’ont pourtant pas toujours été heureux, ni même toujours hasardeux, à Beaugency.
C’est la ville de la chanson du Dauphin, d’ailleurs nous suivions les paroles de la chanson sur les panneaux indicateurs, Orléans, Beaugency, Notre-Dame de Cléry à gauche, Vendôme à droite. Et c’est ce carillon que sonne, trois fois le jour, la tour de l’Horloge de Beaugency. Car ce n’est pas un hasard, ni un bonheur : Beaugency est une ville prise et à prendre, conquise et perdue sans cesse, un des seuls ponts sur la Loire de cette région. C’est elle que nous avons longée, la Loire, c’est près du Pont que nous nous sommes garés, que nous avons dîné. Entre le pont et l’abbaye, très exactement. Et cela non plus n’est pas anodin : il a une sacrée audace, ce Pont, d’aboutir pile en face de l’abbaye. Car c’est le Diable qui l’a construit. Le Diable ou un Chat, mais tout le monde sait que c’est la même chose. Le chat qui le premier a franchi le pont à peine bâti, marquant son territoire. Ce ne serait pas un pont de paix.
Et le Chat n’est pas parti. Il continue de hanter la ville et les bords de Loire. En bâtissant la pizzeria face au pont, on a remarqué un chat qui rôdait dans les fondations. Il faut être prudent avec Ceux-là, et respectueux : on a représenté ledit Chat sur l’enseigne de la pizzeria. Avec des yeux lumineux, fixes, inquiétants. On sait bien de qui il s’agit.
(Chambre d’hôtes : M. et Mme Mouton / 18 rue de la Grolle / 45380 Chaingy / 02 38 80 65 68)
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