jeudi 26 avril 2007

CHÂTEAUX DE LA LOIRE (10) : FIGURES DU TEMPS : ARBRES & PIERRES

Le Moulin Hodoux, près de Luynes
Nous sommes décidément hors-saison. (C’est une drôle d’expression, hors-saison. Hors de quelle saison ?) La chaleur et le soleil de l’été sont là, sans conteste, mais pas les touristes. Même dans les rues commerçantes du Vieux Tours, ce midi, il nous suffisait d’emprunter une transversale pour être seuls, pour entendre le silence. Le sommet a été atteint ce soir : nous avons dîné seuls, absolument seuls, dans le meilleur restaurant de Langeais, Errard, dont le Routard chante à juste titre les louanges. Nous nous en sentions vaguement coupables, de retenir ainsi une équipe de 6 personnes pour notre seul service.
J’ai oublié aussi de parler des Huorns. Il n’est pas si étonnant, à y bien réfléchir, d’en trouver dans la région. Les forêts du Val de Loire sont nombreuses et anciennes, « leurs racines sont profondes », avertiraient les bardes. D’abord ces arbres sont beaux, larges, chamarrés, lumineux, contournés, puissants. Ensuite ils sont vivants : les arbres du Parc Léonard de Vinci, à Amboise, s’adressent directement aux visiteurs pour commenter les inventions du Maître ou rapporter sa pensée. Ce sont bien des Huorns, ou peut-être plus. Nous en avons vu un bien éveillé, à Chaumont-sur-Loire : il étendait ses branches tortueuses, rampait sur l’herbe, avançait une griffe de bois, prêt à saisir les intrus ou à les catapulter au bas de la falaise.

Dans les ruines du prieuré de St Cosme, je me suis éloignée du luxe des châteaux royaux. Peut-être même avant, dans le Vieux Tours, face aux vestiges de la basilique St Martin aux innombrables destructions, des Normands aux Huguenots en passant par le Temps lui-même. La basilique n’est plus que deux tours, et surtout l’espace gigantesque qui les sépare, comblé par des rues, des bâtisses, et même une nouvelle basilique — un espace si vaste, si différent de l’espace présent, que l’imagination peine à le représenter.
A Sr Cosme au contraire, les ruines sont là, assez présentes et assez touchantes pour qu’on n’ait pas besoin d’imaginer le décor intact, qui peut-être nous plairait moins. A St Cosme je suis tout entière une voyageuse Romantique qui s’émeut de la poésie des ruines envahies de végétation, de voir fleurir les vieilles pierres, s’user sur la tombe le nom pourtant illustre de Ronsard, et les édifices, comme leurs constructeurs, céder face au temps. Au prieuré de St Cosme, on est en plein dans une Vanité du XVIe siècle. En pleine non-mélancolie humaniste. Les ruines d’édifices religieux ont toujours eu à mes yeux un charme particulier, plus gracieux et plus serein. A St Cosme donc, je commençai de retrouver l’esprit d’Héloïse.

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