jeudi 9 avril 2009

ISTANBUL (9) : LUMIERES DE HAREM

Pour le trésor, je n’en ai jamais vu de si spectaculaire. Des émeraudes et des rubis semés avec profusion, comme s’ils étaient de simples bouts de verre. Un diamant énorme, mystérieusement apparu sur un tas d’ordures et vendu pour trois cuillères à un receleur prudent, qui s’empressa d’aller remettre sa trouvaille au palais. De l’or si jaune qu’il en paraît faux, et choque nos yeux d’Occidentaux.
Pourtant subsiste ce qui fait le sortilège des civilisations musulmanes, l’harmonie de leur architecture. Les fontaines. Les calligraphies. Les mystères et les intrigues du harem, malgré tous les clichés. C’est le harem que nous avons visité en premier, suivant les conseils avisés du guide. Enfilade de couloirs, de cours intérieures, de pièces gracieuses, de hammams, de bains, d’appartements privés, d’espaces publics, une piscine gigantesque — et tout cela fonctionnant en vase clos comme une miniature d’univers. Qu’il devait être facile, dangereusement facile, de s’y habituer. De restreindre ses perceptions, ses ambitions, ses questions, à cet univers-là, complet à sa manière. D’oublier tout ce qui existe à l’extérieur de ces murs et de passer toute une vie dans cet écrin. Pas une vie vide. Une vie vibrante de passions, d’angoisses, de calculs, de désirs. Un danger terrible, je crois : l’enfermement intérieur. Les romans parlent trop souvent des autres, celles et ceux qui rêvent du dehors, de voyage, de liberté. Mais je crois que la majorité n’est pas ainsi : l’être humain est si terriblement adaptable.
Et un monde clos, réglé, hiérarchisé, rythmé, un monde de murs frais et de faïences bleues, de fenêtres barrées de volets ajourés — la facilité était sans doute de le faire sien.
J’aime, dans les hammams de tous les palais, la lumière qui les inonde, traversant le plafond par de petits carreaux de verre épais artistement disposés en motifs géométrique. Lumière diffuse et flatteuse, mais très harmonieusement répartie — inondant la pièce de clarté, vraiment.

2 commentaires:

Oona a dit…

Comme votre article me fait penser à un roman adorée: "La nuit du Sérail" de Michel de Grèce, qui raconte ça, exactement.
Ce carnet de voyage vaut probablement mille et un guides touristiques!

Shaya a dit…

Merci de m'avoir fait découvrir Istanbul autrement.
La dimension dans laquelle j'étais à Istanbul n'était pas la même. C'était celle de la peur au ventre, de la crainte de l'attentat, de l'angoisse du kamikaze. De l'oppression de la surveillance incessante.
Ton carnet me fait soulever d'autres voiles. Et me donne envie de découvrir Istanbul, à nouveau. Merci.