lundi 6 avril 2009

ISTANBUL (4) : PREMIERE MERVEILLE (suite) — ETAGES BLEUS

A l’intérieur, c’est un autre miracle. Bleu, en vérité, la mosquée n’a pas volé son surnom, non seulement à cause de l’extraordinaire faïence d’Iznik, mais aussi des multiples vitraux colorés. La lumière qui pénètre ici n’est peut-être pas surnaturelle mais elle est apaisée, apprêtée, la lumière comme les Croyants a procédé à ses ablutions, ôté doucement ses chaussures.
Et le regard à nouveau s’élève vers les coupoles, se perd dans ces arabesques bleues et or, éperdu mais jamais égaré. Ceux qui déploraient le manque d’arcs, de courbes de pierre, n’ont-ils pas vu que les courbes étaient inscrites dans la décoration même, frises, mosaïques, calligraphies ?
Bleu, bleus, le regard monte étrangement par étages imaginaires, comme si la hauteur de l’édifice lui imposait ces paliers d’acclimatation.
Le rez-de-chaussée serait humain. D’abord il est peuplé d’êtres vivants, de pieds nus sur les tapis feutrés. Et puis les fenêtres qui éclairent ce niveau ne comportent plus de vitraux : la lumière qui pénètre ici nous est familière, même si les lustres géants descendus tout près di sol l’infléchissent à nouveau.
On lève les yeux : c’est le niveau monumental, imposant, impressionnant, les larges piliers presque surdimensionnés, l’œil s’affole à vouloir les embrasser tout entiers, à découvrir que malgré tout ils sont à l’échelle de cet immense espace. On pense, alors, à l’Egypte, à Karnak, à cause de ces larges colonnes cannelées, à cause aussi du bleu et or des frises qui les surplombent, un bleu presque lapis-lazuli, ici.
Et puis on monte encore, on n’est plus du tout en Egypte, on n’est plus du tout écrasé. On monte encore, vers les coupoles et leurs délirantes harmonies bleutées, et quelque chose nous attire là-haut — soudain il est évident que ce lieu a été bâti pour prier un Dieu, et que ce Dieu est unique, comme est unique notre élan vers le ciel des coupoles. Et sans conteste, à la subtilité des motifs et des couleurs, à la fluidité des caractères au symbolisme limpide, à l’absence de toute représentation humaine — nous revoici en terre d’Islam.
Les pieds doucement plantés dans un tapis, au ras du sol, les yeux envolés dans un élan spirituel presque abstrait. Sur les parois extérieures on trouve davantage de vert et, oui, le vert est la couleur du Prophète. Mais ici — ici à n’en pas douter — le bleu est la couleur de l’âme (et l’Islam turc si terriblement imprégné de mystique soufie que vous me pardonnerez peut-être ces élans.)

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