lundi 6 avril 2009

ISTANBUL (3) : PREMIERE MERVEILLE — UNE CASCADE DE COUPOLES

Deux merveilles très différentes, visitées aujourd’hui, se sont imprimées en moi. J’entends merveille au sens fort. J’entends : je crois n’avoir jamais vu d’édifices comparables à ces deux-là. Jamais.
Deux merveilles qui défient la description. De tous les arts, l’architecture et la musique sont ceux que je peine le plus à traduire en littérature.
Tout à l’heure je les contemplais, ébahie, et déjà je sentais leur résistance aux mots. Je dois essayer, pourtant. Par devoir et par obstination.

La première est bien sûr la Mosquée Bleue. L’espèce de condescendance avec laquelle les « spécialistes » la traitent parfois ne laisse pas de m’agacer. N’ont-ils donc pas de tripes et pas d’âme ? Peut-on, devant la Mosquée Bleue, réagir autrement qu’en écarquillant les yeux, pour y absorber le plus de miracle possible ?
Ils disent : peut-être un peu trop théâtrale — montre une civilisation à son déclin incapable d’innover — belle du dehors, certes, mais au-dedans, peu d’harmonie, de trop épars piliers, pas de courbes mises en valeur…
N’ont-ils pas d’yeux pour voir ? Ou leurs yeux n’ont-ils pas de regard ?
Mon problème est tout autre : la Mosquée Bleue s’adresse au regard et à l’âme sans le truchement des mots. Elle n’a pas besoin de mots, à peine même des versets calligraphiés du Coran sur ses frises et dans ses coupoles. Elle existe sans eux dans la grâce et la majesté infinies.

Six minarets graciles lancés vers le ciel, délimitant l’édifice et le signalant aux regards. Les hampes du kufi, une signature verticale sur le ciel.
Entre eux, l’harmonie — ouverte et fermée, la cour blanche et ses arcades, la gigantesque salle de prière et ses célèbres bleus. Mêmes proportions, mais la lumière change du tout au tout.
Entre eux, dit-on, une cascade de coupoles. Oui : mais une cascade qui miraculeusement s’élèverait vers le ciel au lieu de retomber au sol. Une cascade de dômes étagés comme une petite ville, dans la sobre et élégante pierre grise, si différente des briques byzantines. Le regard s’y porte toujours, depuis l’Hippodrome, depuis Ayasofia, dans les jardins qui les séparent. Et nos yeux montent, étonnés, jusqu’au ciel, dont les voûtes se sont soudain abaissées sur la terre.

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